C’est en 2008 que j’ai rencontré Bernard Claeys comme « jeune » adjoint à la culture. Son épouse, Catherine venait de décéder et Bernard souhaitait préserver sa mémoire et leur villa, la villa des roses, joyau de l’avenue de l’Hippodrome.
Je reçus Bernard Claeys dans la mezzanine car je n’avais pas encore de bureau attitré et Bernard fit la réflexion que je n’étais pas bien loti comme adjoint à la culture !
Mais bien vite il me demanda d’accéder aux vœux de son épouse qui trouvait en moi un défenseur de la culture de longue date. C’est donc dans cet état d’esprit que je me fis l’ardent défenseur de ce projet et ce ne fut pas un accueil délirant alors que je m’attendais à une adhésion totale concernant cet évergète attaché à notre ville et à son architecture ! C’est donc avec ténacité que j’ai entrepris de défendre le projet de donation auprès de tous les élus.

Je vais donc dans un premier temps retracer l’itinéraire de deux amoureux de la culture régionale.

Catherine Claeys naît Jeannine à Lyon le 15 mars 1930 à Calais.

Licenciée en philosophie, elle effectue une courte carrière dans l’enseignement et entre à la radio à Paris en 1958 (France Culture). D’abord assistante, elle est reçue première au stage de réalisateurs de Radio Télévision. Elle rejoint la radio régionale de Lille en 1960. Elle y réalise de nombreuses émissions dramatiques et obtient le prix de la meilleure émission dramatique des stations régionales pour « la haute Hanterie » de Pierre Dubois.

Très attachée à la culture populaire, elle réalise « Histoire pour les veillées », « la belle ouvrage », « la halte du colporteur » reconduite sur Fréquence Nord lorsque celle-ci prend la place de FR3 Radio.

Un fonds très riche de ses travaux radiophoniques est conservé par l’INA à Lille. Catherine décède le 30 mars 2008.

Bernard Claeys naît à Lille en 1932.

Après des études de lettres à la faculté de Lille, il entre en 1958 au journal parlé de Radio Lille où il présente comme journaliste pigiste des émissions d’information. Cinéphile, il entre à la télévision régionale en 1955 et y réalise les émissions en direct « Rendez-vous au beffroi » qui seront suivis par « Les copains du samedi » présentés par Pierre Célie et Robert Lefebvre.
Il passe très vite aux émissions filmées et réalise en particulier une série intitulée « Hommes et Pays du Nord » et des rencontres avec les artistes travaillant dans la région.
Il réalise en 1963 et 1964, deux récitals poétiques filmés en extérieur « Poésie du Nord » avec le concours du centre Dramatique du Nord dirigé par André Reybaz.
En 1977, lui est décerné le « kangourou d’or » de Télé Poche pour « Guillaume Seznec, faux coupable ».

Toute sa carrière a été consacrée à la mise en valeur des traditions flamandes et autres et également à la mise en valeur des forces vives de la création.

Il décède à 87 ans dans sa « Villa des Roses », avenue de l’Hippodrome le 26 novembre 2019.

Dans un deuxième temps j’évoquerai la naissance de la galerie Claeys.

A l’origine de cette galerie, il y a l’histoire d’une maison et celle d’une collection.

La maison, c’est la Villa des Roses, une des grandes demeures construites en 1900 pour border l’avenue de l’Hippodrome. Cette villa qui porta les noms de Villa Saint Arnoul, puis Antonina avant de recevoir son nom définitif de Villa des Roses.

Elle fait partie des derniers témoins de l’architecture éclectique qui mêle différents styles, franco flamand, Renaissance italienne…

Les époux Claeys l’acquièrent en 1977 voulant la sauver d’une démolition possible comme celle de l’ancienne mairie de Lambersart disparue en 1964. Sauver ses vitraux, sa belle façade aux fenêtres dissemblables, pérenniser cette beauté et aussi la sauver dans l’avenir et pourquoi Catherine émit le souhait de la léguer à la ville de Lambersart.

La collection de peintures s’ouvre d’ailleurs par une aquarelle représentant la Villa des Roses où Jean Pattou a su exercer en une rencontre assez rare dont il a le secret son goût de l’exactitude et de la fantaisie imaginative. C’est ainsi que l’avenue devant la villa s’apparente un peu au grand Canal…

Comment est née cette collection ? L’origine réside dans les films réalisés dans les années 1960, sous le titre « Hommes et Pays du Nord ». Il s’agissait de faire connaître et mettre en valeur les artistes originaires du Nord. Il y eut d’abord Edouard Pignon, né à Marles les Mines, un des grands peintres du XX° siècle. Puis successivement :

Eugène Dodeigne, sculpteur qui vit et travaille à Bondues.
Arthur Van Hecke, qui vivait alors à Dunkerque
Eugène Leroy, le doyen du « groupe de Roubaix » à l’époque très peu connu.
Jean Roulland, le sculpteur de Vieille Eglise.
André Copin de Lambersart.
Marc Ronet, Claude Génisson, Jean Parsy, Abel Leblanc, Pierre-Yves Bohm, José Froment, Pascal Barbe, Dominique Grisor, Jacques Mayeux, Jacques Chérigié.

Tous devinrent des amis en sorte que cette présentation d’œuvres d’art prend aussi la forme d’une réunion d’amis. 

Le conseil municipal a accepté la donation généreuse des époux Claeys qui consiste en une magnifique villa, avenue de l’Hippodrome, la Villa des Roses archétype des villas éclectiques de 1900.
On ne peut pas dissocier ces villas de l’action de l’urbaniste éclairé, Edmond Ory qui nous a légué une formidable avenue triomphale ornée des témoignages d’architectes audacieux revisitant les ouvrages du passé.
Le couple Claeys fait don également de tableaux et œuvres de peintres nordistes dont une partie va rejoindre le hall d’honneur de l’hôtel de ville afin d’en faire un écrin témoignage de l’activité remarquable de peintres qui ont aujourd’hui encore un renom mérité.
C’est avec gratitude et reconnaissance que nous mettons en valeur en 2015 ces artistes dans la galerie Catherine et Bernard Claeys.

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent » Albert Camus.

Le devenir de la villa des roses reste à décider par la prochaine équipe municipale tout en préservant la villa des appétits des lotisseurs.

Il me revient l’honneur de prononcer un hommage à un grand Lambersartois lors de son incinération au crématorium afin de préserver la mémoire d’un généreux donateur et d’un défenseur de la culture du Nord. Un cénotaphe réunira les cendres de Catherine et Bernard Claeys au cimetière des ormes.

Claude Reynaert
(ex) adjoint à la culture 

Décembre 2019